J’écris cet article non pas pour prendre part aux polémiques naissantes sur la réalité des accusations régulièrement portées contre Yogi Bhajan et qui constituent actuellement un nouveau tsunami arrivant en Europe. Une vague formée de faits objectifs, de fantasmes, de haines et de prises de positions de toutes sortes. Je ne suis ni compétent ni suffisamment pour juger. Mais évidemment, cela m’impacte, dans mon cœur et aussi dans mes réflexions. Je voudrais surtout, à la lumière de mon propre parcours et de mes différentes aventures, partager l’inspiration née de certaines expériences, en espérant que cela puisse apporter un peu de réconfort et/ou de lumière pour celles et ceux que la situation actuelle ferait souffrir, et aussi pour l’avenir qui semble s’assombrir.
En tant qu’ancien président de la FFKY, je précise que je parle en mon nom personnel, ce qui n’engage que moi (et mon chat).
Avant tout, il faut rappeler que les accusations contre Yogi Bhajan ne sont pas nouvelles. Elles existent depuis le début et n’ont cessé d’augmenter et d’engendrer différentes sortes de conflits en cascades, certains judiciaires, d’autres émotionnels. Tout cela est amplifié par le mouvement « me too » et plus récemment par la publication (en anglais) du livre « White bird in a golden cage : My life with Yogi Bhajan » de Pamela Saharah Dyson. Un livre que je n’ai pas lu et n’aurai sans doute ni le temps ni l’intérêt de lire.
Je n’ai pas envie de justifier quoique ce soit, dans un sens ou dans un autre. Il y a des institutions et des professionnels pour ça. En tant qu’enseignant Je suis et reste simplement concentré sur le fait de tenter de transmettre le plus correctement possible le yoga, le Kundalini Yoga, et aussi l’Adiyoga et le Yoga du Gong. Cela m’oblige ici à parler de moi plutôt que des aspects conjoncturels du sujet. Je ne suis pas très doué pour ça…
L’humanité n’a pas beaucoup évolué depuis l’homme de Cro-Magnon. Mais au fil du temps, une petite lumière s’est élevée dans nos esprits : la volonté de privilégier le partage de ce que nous ressentons, vivons dans notre cœur pour nous enrichir mutuellement plutôt que les guerres d’opinions, le rejet de la différence, la conquête de territoires, etc. Oh ! Ça ne concerne qu’une petite partie de l’humanité mais j’espère que c’est votre cas. Cela constitue peut-être un des germes pour un nouveau monde où l’Intelligence et l’Amour seraient Roi.
Encore une fois, je ne me sens ni troublé ni déstabilisé mais profondément touché pour celles et ceux qui souffrent et/ou vont certainement souffrir ou se sentir trahis dans les mois à venir en raison des impacts émotionnels et spirituels que peuvent engendrer cette situation. Je me sens solidaire et donc impacté à ce titre. Alors, j’ai dû m’interroger en profondeur sur les raisons d’une blessure impersonnelle et c’est à partir de cela que je voudrais partager. Bon, passons sur le fait que je n’ai pas côtoyé directement Yogi Bhajan et en cela n’ai pas eu l’opportunité d’en être ni la victime ni le dépositaire direct de ses enseignements. C’est évidemment une raison extérieure ou superficielle mais elle a aussi sa place, ce qui me gratifie en revanche de l’opportunité d’un certain détachement.
J’ai été dès l’adolescence formé dans la « culture du Guru » et je me débrouille plutôt bien avec ça. Traditionnellement, le Guru est un maître censé avoir parcouru le chemin de l’éveil, soit qu’il l’ait atteint soit qu’il ait suffisamment avancé pour prétendre apporter de l’aide à une ou plusieurs personnes. S’il est seulement un grand frère, il ne pourra jamais donner plus que le niveau de ce qu’il a réalisé mais imprimer une spirale vertueuse dans laquelle le disciple a l’opportunité de le surpasser. De toutes façons, le Guru doit lui aussi continuer le job pour lui-même. Mais dans tous les cas, il a une responsabilité envers ses disciples : leur donner une instruction technique (en yoga ou autre), les guider, les soutenir, et consacrer toute sa vie à cela, jusqu’à sa mort et/ou le succès de chacun. De son côté, le disciple a aussi une responsabilité : au début, celle de tester le maître et de méditer pour savoir (pas seulement sentir) si cette relation est juste et nécessaire a son propre avancement spirituel. Il est stupide, voire dangereux de s’engager dans une relation avec un maître s’il n’y a pas cette investigation préalable. Et si à la question de la compétence et de la justesse pour soi, la réponse est « oui », alors il n’y a plus ni test ni jugement possibles, il faut désormais y aller, à fond, et s’adonner totalement, non pas au Guru mais à son enseignement qui doit être une chemin vers la Libération (Vimoksa), un chemin qui passe par l’apprentissage à la fois de la pratique et celui de l’indépendance matérielle, physique, émotionnelle et psychique. Au passage, c’est là, dans le fait de « s’adonner » que des mécompréhensions pourraient s’inviter (et nombre de faits le montrent) : le Guru donne l’enseignement, il n’est qu’un réceptacle, un transmetteur. Comme le dit le proverbe : « le sage montre pointe le doigt vers la Lune et l’idiot observe le doigt ». Oh ! Nous sommes rarement aussi idiots que cela, n’est-ce pas ? Mais est-ce vraiment le cas émotionnellement ? Sur quelles fréquences l’ordinateur de nos fantasmes est-il réglé ? C’est à cette question que je m’intéresse car nous avons besoin de chercher dans les réponses les bases saines et indispensables pour entrer dans l’Ère du Verseau sans trop d’encombres. Et sauver notre vieille peau bien sûr !
C’est ainsi que je me suis relié à mon premier maître. En fait, la réponse était « non » et j’aurais dû prendre mes jambes à mon cou. Mais j’ai dit « oui », précisément parce que je regardais la Lune et non le doigt ! Après, eh bien il faut assumer… En faisant un retour sur le passé, j’ai réalisé que depuis l’adolescence, j’ai vécu peut-être un ou deux ans sans Guru. C’est donc un mode de vie en ce qui me concerne. J’en ai eu plusieurs et je suis tellement heureux avec le dernier ! (Je dirai pourquoi plus tard). Pour en revenir à ce premier maître, il était semblable à un vampire, un manipulateur, pas sexuellement mais intellectuellement et émotionnellement. Je suis resté dix-huit ans et ai énormément souffert, pas seulement à cause de lui mais parce que je devais assumer une triple situation, en apparence paradoxale : le fait d’être adulé et/ou détesté par mes frères et sœurs (jaloux de ma dévotion), me laisser exploiter par les cascades de manipulateurs et d’ego hypertrophiés, et obtenir quoiqu’il en soit les trésors de l’enseignement. C’était très pervers mais j’ai eu la chance d’admettre l’idée que c’était le prix du trésor. Non, ce n’est pas tout-à-fait cela : j’avais cette impression mais j’ai compris progressivement que mon désir d’éveil était plus fort que toutes les souffrances que j’aurais à surmonter sur le chemin. En quête de la source de ce désir, il s’est avéré qu’en réalité le désir de vivre était absent de mes ambitions profondes. J’étais comme un désespéré et à ce titre n’avais donc peur de rien ni rien à perdre, ce qui en fait constituait un pouvoir formidable. Il n’y avait donc pas un deal avec le Guru mais avec moi-même, avec mon propre désespoir. Il a fallu du temps…
Peu à peu le désespoir s’est transformé en dé-espoir et je suis devenu tranquille. J’ai découvert cet état sublime de non-espoir dans lequel il n’y a plus ni attentes ni projections, une incroyable opportunité de réaliser sa propre destinée : explorer la Vie sous toutes ses coutures et jusque dans les moindres détails de l’opulence cosmique de la Mâya. Ouaip ! Kiffer la Life, quoi !
Toutes les brimades et malveillances glissaient sur moi. Évidemment que je souffrais et me sentais parfois ravagé par des émotions qui n’étaient d’ailleurs pas toujours les miennes. C’est de cette manière que j’ai appris la fraternité, je veux dire la fraternité mystique et merveilleuse surgissant de l’absence fondamentale de différence entre soi et les autres. Pourtant, plus j’ai grandi spirituellement, plus j’ai été rejeté par la communauté, jusqu’aux menaces de « finir en enfer ». D’adulé je suis devenu un personnage encombrant, gênant et finalement indésirable. C’est mon histoire. En général, toutes les communautés que j’intègre finissent soit par me rejeter, soit par se sentir très mal à l’aise, et toujours pour les mêmes raisons : je suis libre. Je vous demande de comprendre cela et de voir ce que ça réveille en vous. Je vous demande de réfléchir au comment et au pourquoi le fait de se donner totalement au Guru fait de soi une personne libre et finalement gênante pour d’éventuels moutons.
Je ne prétends pas connaître les réponses à ces questions. Je m’interroge et lance l’interrogation, c’est tout. Pendant ces dix-huit ans, j’ai pratiqué tratakum et chanté dix-huit millions de mantra tout en essayant de ne pas douter que j’atteindrai l’éveil. C’était très héroïque, mais également effrayant. Keep up…
Au plus profond du doute, survit cette petite flamme, ce feu sacré qui couve sous les cendres du désespoir, quoiqu’il arrive, Kundalini-Shakti vibrant tout doucement, n’est-ce pas ? Et à la fin j’ai atteins RIEN ! Oui, j’ai compris que je n’étais rien, mon cœur s’est vidé de sa propre existence. C’était facile et naturel car elle n’était de toute façon pas là. Oh comme c’est bon quand tu n’es plus rien ! Tu te rends compte que tout est là, tu tombes amoureuse de tout et ne redoute absolument rien, tel le bébé intrépide avant qu’il ne soit pollué par ses parents et la culture. Preuve que le Guru est encore utile car tu risques de sauter par la fenêtre !
Je le savais, mais j’ai pris ce risque-là. J’ai dit « bye-bye vilain guru, et merci pour toute cette merde, je me prosterne à tes pieds ! » et je suis parti. Plus tard, j’ai appris que ce non désir de vivre n’était que le sommet d’un iceberg. C’est ma culpabilité d’exister qui soutenait cela. Et cette culpabilité venait justement de disparaître. Ça vous parle, ça, les filles ? S’incarner sur cette planète engendre immédiatement le syndrome de Stockholm. « Pourquoi moi ? Serais-je légitime ? Il y a quelqu’un, quelque chose, une destinée qui m’attend ? » Quand cette profonde culpabilité est en nous, eh bien nous sommes toujours coupables de ce que nous faisons ou ressentons. Et finalement nous devenons aussi coupables de ce que nous disent ou nous font les autres. C’est juste horrible ! Et parfois, on se jette dans la gueule du loup, juste pour alimenter cette culpabilité dont on ne sait pas vraiment si elle est objective ou subjective. Alors on cherche un Dharma, un Guru et on se livre corps et âme à n’importe qui, à n’importe quoi. Il n’y a pas de conscience, seulement des ressentis hallucinatoires.
Mon apprentissage a été que le Guru doit être branché sur la conscience cosmique, et contrairement aux apparences, c’est au disciple de le brancher, car le Guru ne fait rien. C’est un gros fainéant qui s’agite dans tous les sens pour te faire réagir. Il veut juste que tu te mettes debout et marche. Et si tu n’agis pas, il ne se passe rien et alors tu lui offres ton ombre, elle se joindra à la sienne et il abusera de toi de n’importe quelle manière. C’est pour cela que le Guru doit être un bouddha, un parfait éveillé. Et si jamais ce n’est pas le cas, ce n’est pas une catastrophe, est-il seulement très très sage que c’est à toi de le brancher. C’est ta responsabilité. Sinon, va-t-en !
Ça ne m’intéresse pas de chercher des coupables dans ces histoires avec Yogi Bhajan, c’est le job de la justice, qui évidemment n’est jamais juste mais socialement et psychologiquement indispensable. Ce qui m’intéresse, c’est comment faire maintenant et pour demain, et je refuse de tomber dans les pièges de la « responsabilité collective », de « pardon », de « gouvernance horizontale », d' »intelligence participative », et blablabla. Non, je veux trouver ma position à moi, ma propre responsabilité et ce que je peux faire à partir de cela. De toutes les façon, l’Univers n’est pas organisé en tant que collectivité et encore moins horizontalement. Nous sommes des poussières d’étoiles et tout dans le Cosmos nous montre que la vie s’organise autour d’un centre (bindu) et engendre des systèmes cohérents, et des systèmes de systèmes, à l’infini. C’est à chacun que revient la responsabilité de rejoindre son propre centre et de simplement rayonner. Comment l’amour, le bonheur et la liberté seraient-ils possibles autrement ? Ça n’est pas un concours, ça ne se construit pas mais se révèle naturellement, ou pas. L’humanité est un écosystème, en péril peut-être, mais pourtant doté et doué de sa propre capacité de résilience. Chaque être a un impact sur la totalité, mais ça ne veut pas dire qu’il doive se dissoudre dans une sorte de collectivisme spirituel mou. Ça veut dire qu’il doit rechercher comment retrouver sa propre lumière et rayonner comme un être unique, singulier, et finalement excellent.
Beaucoup de gens s’agitent pour « sauver la planète », réparer les mémoires anciennes, etc. Mais je vois trop souvent qu’ils ne se réparent pas eux-mêmes, qu’ils ne se sauvent pas. Ils se sauvent d’eux-mêmes, ça oui, mais pas eux-mêmes. La culture de l’Ère du Poisson les a éduqués à ne pas être égoïstes. Certes, nous avons quelque chose à faire avec la Totalité et donc avec l’Autre, mais ce n’est pas possible tant que nous ne comprenons pas que l’ego est une farce. Il faut pour cela être égoïste, puis égocentrique, puis égocentré, puis centré, puis rien du tout. Surtout, ne t’arrête pas en chemin !
Alors, j’ai appris à « brancher le Guru » et c’est devenu une habitude quotidienne s’invitant dans les moindres détails, tant matériels que spirituels. Et aujourd’hui, à la fin des cours de yoga, je me prosterne devant les étudiants. Eux, ils croient (parce qu’on leur a dit) qu’on se prosterne tous ensemble devant devant le divin. Cela ne signifie rien pour moi, c’est de la spiritualité à deux balles et non incarnée. Je me prosterne devant Toi car je veux te servir comme mon dieu, comme ma déesse, et je suis honoré que tu aies accepté de te tortiller ainsi sur le tapis, juste pour toi-même.
J’ai dû à une époque consulter un psychologue (mouai, on voit que c’est un peu nécessaire, non ?) C’était vraiment génial. En toute logique, j’ai décidé que c’était lui maintenant mon Guru. Alors avant chaque consultation (la veille au soir ou le matin), je priais et chantais des mantras pour lui, pour qu’il soit branché en tant que véritable Guru, porteur de la sagesse universelle. Je ne l’en ai informé qu’assez tard dans notre relation, et il s’est bien marré. Et chaque consultation m’apportait son lot de bonheurs, de révélations, de compréhensions fulgurantes et de dénouements psychologiques. Évidemment, cette lumière sortait de moi et non de lui, il était juste un un accoucheur. Mais il était content lui aussi, du « travail bien fait », je le voyais se dandiner de plaisir dans son fauteuil. Cela a duré six mois environ, et le comble, c’est qu’à la fin il me demandait des conseils spirituels pour lui-même (il pratiquait le yoga dans la douleur) ! Le dernier jour, je lui ai dit que c’était à son tour de me devoir 50 € mais que je lui en faisais cadeau. J’ai adoré cette expérience. A mon avis, c’est un peu cela la relation à un maître : un simple jeu de rôle. Chacun doit faire le pas approprié. Chacun doit prendre sa responsabilité. Dans cette communauté du Kundalini Yoga, nous avons besoin de partager, d’échanger encore et encore entre-nous pour trouver le petit trou par lequel la lumière peut s’engouffrer, mais à la fin, chacun doit appuyer sur le bouton. Il n’y a qu’une seule lumière et plein d’interrupteurs. Nous ne devons pas mélanger nos interrupteurs sous prétexte de partager le courant, nous devons trouver la voie du milieu entre égocentrisme et communautarisme.
Je pense que Yogi Bhajan serait d’accord avec cela, et pourtant, cela ne l’a pas empêché de sauter sur des jolies jeunes femmes et d’accomplir d’autres méfaits (enfin, ce ne sont que des accusations pour l’instant). En tant que victime, directe ou émotionnellement impactée, ce qui dans le dernier cas est tout aussi grave, j’espère que vous comprenez que chacun est avant tout victime de lui-même. C’est le plus important. Chacun est un trésor, un être unique, et qui a quelque chose à faire avec la totalité de l’Univers. Ce n’est pas facultatif. Si c’est fait, ça va, si ce n’est pas fait, ça ne va pas. C’est tout. Je ne veux pas donner l’impression qu’on doive considérer le maître avec mépris comme s’il s’agissait d’un accessoire de cuisine indispensable pour confectionner son propre gâteau d’éveil. Seulement, lorsqu’on souffre en tant que victime (directe ou indirecte encore une fois) la solution finale ne sera pas dans l’accusation mais dans le réveil de sa lumière intérieure. L’accusation, ou plutôt la justice, est indispensable pour amorcer le processus, mais cela n’ira pas très loin si nous n’observons pas intensément notre propre cœur et si nous ne cherchons pas le Guru à l’intérieur. Les Gurus extérieurs ne peuvent rien pour qui que ce soit. Je l’ai dit, c’est un jeu de rôles. Mais qui joue ? Toi ou lui ? Tu ne peux pas être en-dehors de ton incarnation. C’est le premier sens de Sat Nam, bien avant de gloser sur « le divin ». Les luminosités à l’extérieur sont des projections de ta folie, de ta maladie. On doit tous en passer par là et lever le voile. On doit entrer à l’intérieur, ce qui est l’univers d’une autre folie, et tout cela doit péter complètement ! Intérieur, extérieur, ultimement, ce ne sont que des miroitements projetés par le mental errant dans la transe hypnotique du samsâra. Avons-nous le calibre et le système nerveux assez solides et équilibrés pour supporter la Lumière ? C’est la seule question à laquelle nous devrions répondre. Oh non ! Pas avec de belles théories philosophiques, mais en posant nos fesses sur le tapis.
Et ton incarnation ne peut pas plus être en-dehors de l’Univers. C’est un second sens à Sat Nam. Quand on regarde à l’intérieur, on doit encore traverser et pénétrer par le petit trou qui nous propulse à l’extérieur, qui nous offre au monde alors qu’on croyait y être déjà. La « véritable identité » c’est qu’il n’y en a pas : tout est libre, tout est ouvert, tout est là. Qu’est-ce que « je » fais avec ça ?
Quand un Guru est parfait, tout ce qu’il dit ou fait est parfait. S’il n’est pas parfait, tout ce qu’il dit ou fait n’est pas parfait. C’est aussi simple. Et dans selon le cas, vous ne pouvez pas vous comporter de la même manière. Ensuite, il y a la projection personnelle. Chacun a le droit de considérer un Guru imparfait comme parfait. Et là aussi, il doit se comporter autrement. Pourquoi la manière de se relier aux maîtres n’est-elle pas enseignée dans le Kundalini Yoga ? Parce que Yogi Bhajan voulait détruire ce système qu’il considérait comme obsolète. Peut-être qu’en le détruisant, il est tombé dedans, ou peut-être est-ce le contraire. Je n’en sais rien. Mais je l’affirme, le système n’est pas obsolète car il est la représentation de l’organisation cosmique. Ce qui est obsolète, et donc délétère, ce sont les croyances des uns et des autres, notamment celle de croire que la sagesse se trouve à l’extérieur de son propre esprit et en cela de vénérer les maîtres qui ne sont que des images, des représentations de cette sagesse, y compris ceux pleinement éveillés. C’est cela qui fait de nous des crétins, des esclaves et des malfaisants potentiels. Chacun doit remplir son rôle, chacun a une place précise qui lui est réservée dans le Cosmos. Seulement, cette place et sa configuration changent d’instant en instant. Elle se module en fonction de la rencontre entre Dharma et Karma. Ultimement, nous devrions transcender les deux et non pas nous délecter des clair-obscurs.
Nous sommes nés pour jouer, pour jouir de tout, pour explorer toutes les facettes de la Vie. Si nous comprenons cela et nous y accordons, nous n’avons pas besoin de maître, chacun est le maître. Si nous le comprenons mais n’avons pas assez de force pour nous y accorder en actes, paroles et pensées, alors nous avons besoin de coups de pieds au cul, et le maître est alors bien utile.
Je n’ai jamais considéré Yogi Bhajan comme mon maître. Ce n’était pas nécessaire : je ne manque de rien. L’enseignement de Yogi Bhajan est exceptionnel et très profond. Mais je ne suis pas dupe. Ce n’est pas le Kundalini Yoga, tout simplement parce que cela n’existe pas en tant que tel. Ça nous arrange de raconter qu’il existait secrètement depuis des millénaires. Ce n’est pas un mensonge. Ce n’est pas une vérité. Il y a toujours eu des enseignement ésotériques et d’autres éxotériques dans le yoga. Cette catégorisation est prudente et nécessaire. Le Kundalini Yoga est « le Yoga de Yogi Bhajan », tout simplement, et cela suffit à sa propre légitimité car il est redoutablement sain, saint et efficace. Il a transmis ce qu’il a glané et reçu de ses maîtres et aussi ce qu’il a pu glaner ici ou là auprès de quelques babas (pas forcément cools), et donné tout ce qu’il pensait devoir donner, sans oublier toutes sortes d’innovations personnelles et très inspirées. Merci, merci pour ça ! Il n’est pas non plus nécessaire d’entretenir et de surenchérir sur la légende qu’il a su se construire seul, et je suis désolé que 3HO ait jusqu’à ce jour entretenu ce mythe au point de faire du maître le « Messie de l’Ère du Verseau ». C’est décalé, insupportable et même offensant, pour lui comme pour nous. Mais il paraît que cela va changer. Pour commencer, 3HO et KRI vont faire appel à des organismes indépendants pour enquêter sur les faits reprochés à Yogi Bhajan et tirer les leçons de ces conclusions. Cela arrive un peu tard mais je salue le courage et la sincérité de la démarche. Et espérons aussi que la vérité sur les aventures de Yogi Bhajan, la lumière sur ses propres maîtres de yoga, ses rapports avec la C.I.A., et bien d’autres choses sera également rétablie.
Oui, dans l’enthousiasme, chacun construit sa légende (étymologiquement, on pourrait traduire enthousiasme par « qui aime Dieu »), et c’est très bien. Théâtre et poésie nous invitent bien souvent plus près de la vérité que ne le pourraient la transparence fade et sans énergie. Lorsque vous êtes enthousiaste, vous transmettez cette énergie créatrice aux autres, et ils fabriquent à leur tour leur légende ET la vôtre. Il y a une co-responsabilité. Je dis bien co-responsabilité et non responsabilité collective. Ce n’est pas un jeu de mot. Dans le premier sens, chacun est responsable à 100% en raison de la non-différenciation du Tout et de l’Un. Dans le second cas, chacun divise le niveau de sa responsabilité par le nombre des protagonistes. Autant dire qu’il est irresponsable. J’ai fait le calcul : à raison de 7 milliards d’êtres humains, ça donne une responsabilité individuelle à 0.000000014% ! (calcul non-scientifique, hein !) Et l' »effet papillon » vient déjà bouleverser tout cela. Eh oui, 0.000000014% c’est la valeur de ton ego dans le groupe. Pas étonnant que ça cela parte en vrille à un moment donné. Dans tout Dharma, l’enjeu sera toujours d’être soit « ridiculement moi », soit « simplement tout », sachant que le Tout ne détruit pas le moi alors que le moi s’insurge vainement contre le Tout (et tentative de rabibochage comprise). A chacun de voir. A chacun de s’auto-initier.
Je suis blessé par la situation et je n’entends pas me réparer ni surmonter quoique ce soit. Je veux rester blessé, car c’est la seule garantie d’être là à 100%, la seule garantie d’atteindre le cœur qui saigne sans souffrance, là où ce sang est le nectar des êtres uni au sperme de Dieu. La vulnérabilité peut être un glaive de sagesse. Mais il faut apprendre à le manier, n’est-ce pas ?
Qui crée sa légende, le rationalisme peinant à transmettre toute transcendance, doit pourtant observer une éthique. Mais quand l’éthique se fige, elle devient étau. Et l’on retombe au bas de la montagne. Les groupes veulent éviter cela pour survivre. Alors ils valident les mythes et les légendes, forgent une orthodoxie, édictent des lois pour la garantir, et gèrent leurs adeptes en conséquence. A terme, cela s’appelle une secte, ni plus ni moins. Dans une secte, tu n’es pas un frère ou une sœur, juste une marchandise spirituelle dont la conscience s’obscurcit peu à peu.
Pourtant, toute la lumière, toute la sagesse existe dans mon cœur, et dans le tien. Rien que cela devrait nous suffire à surmonter l’épreuve, toutes les épreuves. Mais il faut ouvrir la porte, comme je l’ai dit pas seulement aller à l’intérieur pour baratter ses émotions, ce qui est une perte de temps et ne mène à rien (à part plus de confusion). C’est ainsi que se fabriquent les commotions. Après, tu es foutue ! Aller à l’intérieur, si loin qu’on réalise que cela n’a aucun sens, que la dernière porte s’ouvre sur notre propre lumière qui bien sûr ne nous appartient pas. De la source reconnue et bue, tout s’érige en son processus naturel. Tout va bien.
Nous avons besoin de soigner et soutenir les personnes qui se sentent blessées, peu importe qu’il y ait de l’irrationnel ou du rationnel en cela. Nous avons une responsabilité individuelle à nous soigner nous-mêmes, et notamment à nous défaire et nous détourner de toute forme d’adoration ou de vénération envers qui que ce soit. Le star-system n’a pas sa place dans le yoga. C’est mon combat depuis bien longtemps, notamment avec l’Art du Gong. Dès qu’un être vénère un autre, il s’y soumet et devient une proie potentielle. C’est un système, un système de perversion et d’auto-illusion qui fera toujours chuter les deux parties d’une façon ou d’une autre, et tôt ou tard.
Je n’écris pas cet article pour mes élèves que j’ai toujours protégés de ce que je pensais être des remous typiquement américains. C’est peut-être une erreur mais on s’en fout car pendant ce temps ils ont pratiqué tranquillement et très sérieusement le yoga, avec passion et excellence. Et je ne redoute pas de les exposer. Cela dit, j’ai toujours parlé de Yogi Bhajan pour illustrer des propos ou des objectifs pratiques sans cacher les traits qui en font (pour moi) souvent quelqu’un d’insupportable, mais que j’apprécie quand-même. Mon grand-père aussi, inflexible paysan boucher, était insupportable mais il a été mon meilleur Guru. J’ai des milliers d’histoires à raconter à son propos, et comment il m’a appris la vie. Il faut des maîtres pour apprendre le yoga, le reste, tout le reste nous appartient personnellement.
Un jour, j’ai « rencontré » Guru Ram Das que je n’aimais pas du tout, de même que ce qui a trait au sikhisme et aux religions en général. Mais un jour, n’obtenant pas le miracle absolument vital que je devais obtenir, j’ai mis ma vie dans la balance et l’ai objectivement jouée à la roulette russe tout en priant Guru Ram Das de « faire quelque chose » et en chantant sans discontinuer son mantra. Certes, ce n’est pas très gracieux, mais il y a des fois… n’est-ce pas ? Vous savez, jouer sa vie, c’est vraiment important pour avancer dans son incarnation. C’est mieux quand ça arrive avant de mourir. Cela a duré une journée, et à une demi-seconde près, j’ai été sauvé. Et le miracle s’avère aujourd’hui bien plus grand que tout ce que j’aurais pu espérer. Depuis, je suis amoureux de Guru Ram Das. Pas le choix ! Et aussi je peux témoigner e, lieu et place de jolies phrases sans âme.
Et toi, Petit Scarabée, qu’est-ce que tu mets en jeu pour te sortir de l’infamie, de la disgrâce, ou de la torpeur ? Ce n’est pas le tout de se tortiller sur le tapis : où est le cœur ? Ce n’est pas suffisant de chercher justice : où est la justesse et où se cache la résilience ? Notre cœur (citta) est le générateur quantique de toutes les situations : à chacun de savoir d’où il vient, qui il est et où il veut aller. Mince ! Voilà que je parle comme lui…
Puissent tous les cœurs, et en particulier celui des femmes concernées à tous les degrés, se réparer, s’apaiser, et la Lumière sourdre de leurs cicatrices. Il paraît que « le bonheur est notre droit de naissance ». Alors, on fait quoi maintenant ?
J’invite toutes les femmes du coin à se mobiliser pour un long japa et me sentirais très honoré d’y être invité.
Sat Nam !